Chinese City
Chinese City présente des photographies réalisées au cours d’errances nocturnes dans la ville de Chengdu entre 2009 et 2011, puis par la suite dans d’autres villes de Chine.
Ces errances dans cet autre Chengdu sont des plongées, nuit après nuit, dans un océan de lumière diffuse qui transforme le paysage urbain. A travers l’homogénéité des tons, l’enchaînement des avenues et des ruelles, l’échelle et le vide des espaces qui ne révèlent que traces de la présence humaine, ces randonnées nocturnes s’apparentent à l’exploration de fonds sous-marins. Les constructions sont des masses qui dominent et s’estompent dans les hauteurs, qui perdent de leur présence en s’inscrivant dans une trame de fond. Les lieux et les scènes prennent toute leur importance, révélant une essence dénuée du contexte et des interprétations que génèrent l’activité et les couleurs du jour.
Les espaces vastes, ouverts et fortement éclairés de nuit ne sont pas fréquents. Ils instillent à la limite de la conscience un sentiment sous-jacent d’appréhension. Je traverse un monde démesuré mais lumineux, alterné par l’abri des ruelles et de la périphérie des éclairages. D’autre part, la constance de ces paysages brumeux et presque monochromatiques, au fil des nuits et de rue en rue, est captivante. Alors que la quiétude des scènes et l’étouffement des sons créent un refuge pour la solitude, les lumières aveuglantes des avenues si brutalement vides hypnotisent l’esprit. Je photographie alors en toute intensité des paysages fantastiques.
A travers Chengdu, le projet est une recherche générale sur l’identité visuelle qu’une ville peut avoir suite à plusieurs décennies de troubles et de développement ayant entraîné la destruction de nombreux éléments visuels. Les métropoles des pays émergents sont souvent perçues comme (re)construites à l’identique, par opposition aux villes européennes chargées de symboles distinctifs. Ayant traversé plusieurs de ces villes dites nouvelles en Asie, je focalise ici cette recherche sur Chengdu. A un autre niveau, mon attention s’est tournée vers des scènes évoquant la «Chine millénaire», une idée tant vague que fascinante alimentée par les explorateurs et les orientalistes au sein de l’imaginaire occidental. Ces divers éléments contribuent à l’émergence d’images qui sont à la croisée entre la recherche d’une réalité visuelle d’une part, et la projection des fictions personnelles du photographe d’autre part.
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Vues d’exposition — Festival de la Photographie Européenne (Busto Arsizio, 2016) et Mois de la Photo (Grenoble, 2017)