Triptyques :
Mountains of Eastern Tibet
(2015)
Les premiers jours, on se considère parti. Mis en marche, en itinérance vers un au loin, un lieu imaginé situé dans chaque vallée à traverser. Puis progressivement, les pensées se détachent du passé et du futur pour laisser la place à la sensation d’être simplement ici.
Un mois de marche dans les contreforts du plateau tibétain. Parcourir de hautes vallées isolées, passer au pied de masses rocheuses impressionnantes, franchir des cols près des nuages et du vent. Jour après jour, loin du bruit incessant de la société, l’esprit se stabilise. Il cesse de vouloir maîtriser son environnement et de s’attendre à quelque chose. L’herbe, le vent, les rochers. L’eau froide des torrents. La fatigue aidant, le contact direct des éléments amène une immédiateté, un présent qui avive la perception.
Alors que la montagne nous rappelle qu’elle est imprévisible, l’hiver approche et déjà blanchit les hauteurs. Le désir surgit de rendre hommage à ces vallées chargées d’une force brute de la nature. Traduire une vision graphique ressentie au creux des montagnes, et recréer à travers les images un archétype du pays des hautes vallées. Faire écho à un imaginaire nourri de récits, du Taniquetil de Tolkien aux tentatives des premiers occidentaux à entrer au Tibet.
C’est au retour que l’on est loin. Loin des rochers et des montagnes qui furent si proches. On est aussi un peu loin d’ici, avec le sentiment qu’une partie de nous-même est restée là-bas, dans les vallées. Les images ne s’en inscrivent que mieux dans cet imaginaire et, j’espère, y retournent l’enrichir.
À la sortie des vallées, les premiers bergers rencontrés nous offrent une tasse de thé. Eux-mêmes vivent isolés. Peu de mots, mais un partage riche des éléments qui nous entourent. Ces images sont également un hommage aux gens des hautes vallées, à leur authenticité et leur bienveillance.
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